Portrait d’Antoinette Fouque : femme d’action et femme d’idées

Antoinette Fouque

Psychanalyste, essayiste, éditrice, militante et politologue : Antoinette Fouque est une femme aux multiples visages. Révoltée contre le modèle patriarcal qui caractérise la France des années 70, elle préfère renoncer à son doctorat de lettres à la Sorbonne pour s’engager aux côtés d’autres femmes afin de faire valoir leur dignité et leurs droits.
Jamais à court d’idées pour éveiller les consciences, cette figure emblématique du combat féministe concrétise tout au long de son existence des projets aussi nombreux qu’ambitieux. Pour elle, le « droit au droit des femmes conditionne l’avenir de la démocratie ». Tout est dit.

Les débuts des combats d’Antoinette Fouque

Née en 1936, Antoinette Fouque consacre la majeure partie de sa vie à la lutte pour les droits des femmes. Cet engagement s’impose à elle au lendemain des soulèvements de Mai 1968.
Malgré les changements occasionnés par le mouvement étudiant auquel elle participe, la société française de l’époque reste conservatrice. Le combat commence à peine et semble loin d’être gagné. Dans un contexte où les hommes ont le plein pouvoir, la bataille menée par les femmes pour obtenir les mêmes droits est des plus rudes.

Dans ce bouillonnement politique, sociétal et culturel, Antoinette Fouque s’impose comme l’une des pionnières du mouvement féministe. Désireuse d’une société plus juste, elle passe à l’action en co-fondant le Mouvement de Libération des Femmes à Paris en octobre 1968. Son combat : remettre en cause le modèle patriarcal solidement ancré dans la société et faire en sorte que les femmes puissent disposer de leur corps comme elles l’entendent.
Elle révèle que « dès la fin des années 60, nous avons été les premières à parler de la violence conjugale, de l’inceste, de l’homosexualité ou encore de l’éducation des filles ». Autant de thématiques qui avaient plus l’habitude d’être passées sous silence que d’être médiatisées.

Lors de ses interventions, Antoinette Fouque a l’habitude de parler de “féminologie” et non pas de féminisme. Ce terme se rapporte à l’élaboration d’une “science des femmes” à laquelle elle œuvre sans relâche.

À la fois psychanalyste et politologue, elle est à l’initiative d’une théorie originale sur la différence des sexes en apportant une nouvelle vision de la génitalité. Selon elle, la méconnaissance du sexe des femmes et la domination masculine sont motivées par l’incapacité des hommes à faire les enfants. Cette vision invite à repenser la démocratie en considérant que la société se compose d’individus des deux sexes. Elle considère d’ailleurs que la femme n’est pas seulement l’égale de l’homme mais qu’elle est aussi différente car elle est la seule des deux sexes à pouvoir faire l’expérience de la gestation. Il faut en tenir compte.
Dans la continuité de ces actions, Antoinette Fouque décide de poursuivre son combat féministe avec ardeur et se lance dans un nouveau projet qui prend la forme d’une maison d’édition : en 1974, paraissent les premiers livres des Éditions des Femmes.

1972 : Éditions des Femmes

Lors de sa création en fin d’année 1973, la maison d’éditions des femmes – qui s’inscrit dans le sillage du Mouvement de Libération des Femmes – ne ressemble en rien aux autres entreprises. À travers ce projet, Antoinette Fouque exprime haut et fort son désir de « définir un espace singulier où puisse s’accomplir un travail qui ne se fait pas ailleurs, dans les maisons d’édition traditionnelles ». Cette idée est née du constat que « la culture n’a de sens que lorsqu’elle est reliée à un projet, à un travail politiques ». À l’époque, ce projet s’inscrit un mouvement décisif d’ouverture de la parole aux femmes.

Créée et gérée par des femmes pour des femmes qui partagent les mêmes aspirations politiques à la liberté, cette société prône la liberté d’expression et l’égalité du pouvoir et des sexes. Cette lutte de chaque instant prend tout son sens et se cristallise dans le fonctionnement de la maison. Écriture, fabrication, impression, édition et vente des ouvrages : tout est pris en charge par l’entreprise qui s’ouvre à toute femme souhaitant apporter sa pierre à l’édifice. Ici, pas de place pour la spécialisation qui induit malgré elle une hiérarchie. La motivation personnelle, l’amour du livre et le partage des valeurs fondatrices de l’entreprise priment sur le reste.

Pour Antoinette Fouque, « l’écriture est absolument sexuée ». Pour argumenter cette pensée, elle s’appuie sur le constat que les êtres humains sont sexués, et que leurs désirs s’ancrent nécessairement dans cette sexuation. Selon elle, la publication de livres s’apparente à un travail de sage-femme. En d’autres termes, cela revient à assister des femmes-écrivains afin qu’elle mettent au monde des « textes-filles » qui deviendront des « textes-femmes ».

Chaque jour, les femmes doivent mener un combat en fonction de leur origine géographique ou sociale. Et tout simplement parce qu’elles sont des femmes. En écrivant, elles peuvent matérialiser ce combat et repousser encore plus loin leurs limites.

La création de cette première Maison d’édition en Europe 100% féminine a eu de nombreuses répercussions positives sur la société, et initié de nouvelles pratiques notamment sur les plans politiques, sociaux et artistiques.

Des actions militantes impactantes sur la société

Grâce à sa ténacité, ses actions et ses multiples prises de paroles, cette figure historique du féminisme français a permis de déclencher de belles avancés sociétales et politiques.
Tout d’abord, le droit à l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) obtenu par le biais du Manifeste des 343. Cette pétition publiée en avril 1971 regroupe les signatures de 343 femmes françaises, dont Antoinette Fouque, qui déclare avoir avorté alors que cet acte est encore considéré comme illégal et passible de prison.
En intégrant au MLF une réunion de parole nommée « Psychanalyse et Politique », cette militante ouvre également un nouveau champ épistémologique en sciences des femmes. Ce groupe de parole deviendra plus tard l’un des courants majeurs du féminisme en France.
Enfin, Antoinette Fouque permet d’établir un contrat social paritaire, notamment pour libérer les femmes de la misogynie omniprésente et de tous les maux de la société qui les affectent au quotidien : nationalisme, xénophobie, totalitarisme… La liste est longue.

Cette militante défendra également une gestation pour autrui éthique et non marchande considérée comme la suite logique du droit à l’avortement et de la parité homme / femme. À travers cette bataille, à la fois idéologique et symbolique, Antoinette Fouque tente de faire changer les mentalités en faisant émerger une nouvelle idée : celle du droit pour les couples homosexuels à avoir des enfants.

Selon Antoinette Fouque, «il faut que les femmes créent leur monde dans ce monde où elles n’existent pas». C’est d’ailleurs ce qu’elle accomplit avec brio en adressant en 1982 une lettre à François Mitterrand, alors Président de la République. Dans cette dernière, elle réclame une journée dédiée aux femmes, en guise de reconnaissance du travail qu’elles effectuent tout au long de l’année, tant au niveau professionnel que domestique et familial. C’est grâce à cette initiative que le 8 mars, journée internationale des femmes, est officiellement célébrée chaque année en France.

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