L’année 2017 fut bonne pour le marché des fusions et acquisitions françaises

Bureaux d'une entreprise

Après plusieurs années de conjoncture économique difficile, la France semble avoir retrouvé le chemin de la croissance comme l’indiquent les chiffres des fusions acquisitions de l’année 2017. Comme en témoignent des chiffres communiqués par l’agence de presse Reuters, les fusions et acquisitions à l’étranger des entreprises françaises ont atteint 40,8 milliards de dollars en 2017, contre moins de 5 milliards sur la même période en 2016, avec 243 transactions, contre 213 en 2017. D’une manière générale, 2017 a été une année très active malgré les incertitudes liées aux conséquences du vote du Brexit, aux mesures de l’administration de Donald Trump et aux élections françaises et allemandes.

Une tendance résolument à la hausse

Au premier trimestre 2017, l’Europe a atteint un record en termes de valeur pour les opérations de fusions-acquisitions annoncées au cours des 10 dernières années, la France se classant au premier rang, avec 26% en termes de valeur des transactions.

Les acquisitions de sociétés françaises réalisées par des groupes étrangers ont atteint 58,4 milliards d’euros sur les six premiers mois de 2017, soit deux fois la valeur totale des opérations conclues par rapport à la même période en 2016. Les acquisitions des sociétés françaises à l’étranger ont augmenté de 30% avec la même période en 2016 pour atteindre 30,6 milliards d’euros.

Sur le même semestre, on a observé une tendance similaire pour l’activité domestique française de fusions et acquisitions, qui a plus que doublé pour atteindre 15,3 milliards d’euros, bien que le nombre de transactions ait diminué de 15% par rapport au premier semestre 2016. Les grands groupes continuent de recentrer leurs activités en gagnant des parts de marché au niveau international et en recherchant des synergies avec des activités complémentaires, mais aussi en vendant des filiales.

Globalement, l’activité des fusions acquisitions a été soutenue par des conditions favorables à la croissance externe. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance.

  • Premièrement, les conditions de financement restent favorables aux entreprises, qui peuvent soit emprunter de l’argent à des taux d’intérêt bas, soit payer l’acquisition en totalité ou en partie avec leur propre trésorerie.
  • Deuxièmement, les chefs d’entreprise reprennent peu à peu confiance dans le marché et sont plus enclins à investir leurs réserves stockées depuis la crise économique mondiale. Les entreprises cherchent à devenir des leaders au niveau régional ou mondial, comme l’illustrent, par exemple, la fusion entre Essilor et Luxottica, qui deviendra le leader mondial de l’industrie de la lunetterie, et la fusion entre les activités de mobilité d’Alstom et de Siemens, créant le deuxième leader mondial des rails derrière le CRRC chinois.

L’industrie : vedette des acquisitions fusions de 2017

Cette année, certaines des transactions les plus importantes ont eu lieu dans le secteur industriel avec l’acquisition de Vauxhall par PSA auprès de General Motors, la fusion d’Alstom et de Siemens ou l’acquisition de Zodiac Aerospace par Safran.

Le secteur agroalimentaire a également été actif, notamment dans le domaine des fusions-acquisitions françaises avec l’acquisition du producteur américain de produits laitiers Whitewave par Danone (12,5 milliards de dollars) ou l’acquisition par Bonduelle du leader américain de la salade individuelle Ready Pac (409 millions de dollars EU).

C’est également le cas du secteur pharmaceutique avec notamment l’acquisition par Ipsen des actifs oncologiques mondiaux de Merrimack Pharmaceuticals aux Etats-Unis (960 millions de dollars) ou l’acquisition par l’Oréal des actifs de soins de la peau de Valeant Pharmaceuticals (Etats-Unis 1,3 milliard de dollars).

Il y a eu aussi une résurgence de mégadeals impliquant des entreprises françaises en 2017 par rapport à 2016, avec l’annonce de cinq transactions de plus de 5 milliards d’euros et de trois transactions de plus de 10 milliards d’euros au premier semestre 2017 ainsi que la fusion récemment annoncée entre Alstom et Siemens.

Une année de records

L’une des plus importantes opérations de cette année est la fusion entre Essilor et Luxottica, basée en Italie, pour une valeur globale de 24 milliards d’euros. À la suite de la fusion, M. Del Vecchio, fondateur de Luxottica, deviendra le plus grand actionnaire unique du groupe fusionné, avec une participation de 31% à 38%, bien que son droit de vote soit plafonné à 31%. La holding familiale Del Vecchio qui contrôle Luxottica échangera sa participation de 62% dans la société italienne contre des actions Essilor nouvellement émises. La transaction est toujours en attente de l’autorisation de la Commission européenne, qui a ouvert une enquête de phase 2 à la fin de septembre 2017.

L’une des principales transactions de cette année a été l’acquisition par Danone du leader américain des produits laitiers biologiques, WhiteWave. Le prix d’achat de 12,5 milliards de dollars EU a été largement financé par la dette extérieure. Danone a été amené à effectuer certaines cessions pour obtenir les autorisations de mise en concurrence nécessaires, et notamment le désinvestissement de sa filiale américaine, Stonyfield, spécialisée dans les produits laitiers biologiques. Cette transaction aura un impact considérable sur l’empreinte mondiale et la position de marché de Danone, en particulier aux États-Unis, où elle figure aujourd’hui parmi les 15 premières entreprises agroalimentaires.

L’acquisition d’Opel et Vauxhall par PSA auprès de General Motors pour un montant de 1,3 milliard d’euros, qui fera de la société française le deuxième constructeur automobile européen derrière Volkswagen, est un autre exemple d’un important accord transfrontalier français réalisé par une société française en 2017. Cet accord est également important car il révèle le redressement de PSA après sa faillite il y a quelques années.

Des opérations aux formes très diversifiées

Les soumissionnaires ont offert de l’argent, des titres ou une combinaison des deux en contrepartie des actions de la cible. Même si les actionnaires français ont tendance à privilégier les espèces, les fonds propres et mixtes sont de plus en plus utilisés dans la pratique. Une contrepartie sous la forme d’actions d’une société étrangère est parfois proposée. Dans les cas où la société française est cotée, il y aura une pression sur la société étrangère proposant une contrepartie sous la forme de ses actions, pour lister ses actions en France afin de s’assurer que les investisseurs français puissent continuer à négocier des actions sur le marché.

L’acquisition par Safran de Zodiac Aerospace constitue une étude de cas intéressante en termes de cash versus equity et des structures plus complexes qui peuvent être proposées. A l’origine, la transaction annoncée en janvier 2017 comportait une structure très complexe en deux étapes: une offre publique d’achat pour les actionnaires généraux suivie d’une fusion, au cours de laquelle les actionnaires familiaux de Zodiac Aerospace recevraient des actions de Safran afin de limiter l’application de l’ISF aux actionnaires familiaux de Zodiac Aerospace.

Un certain nombre d’actionnaires de Zodiac Aerospace se sont plaints de ne pas avoir eu la possibilité de bénéficier de la contrepartie en actions de Safran. En mars, suite à l’activisme des actionnaires en particulier TCI et à d’autres avertissements sur les bénéfices de Zodiac Aerospace, un nouvel accord a été présenté par Safran et Zodiac Aerospace. Cette opération révisée impliquait une structure plus habituelle: tous les actionnaires de Zodiac Aerospace bénéficiaient d’une offre primaire en numéraire sur 100% des actions de Zodiac Aerospace et d’une offre secondaire ouverte à tous les actionnaires pour obtenir des actions de préférence dans Safran plafonné à 31% de l’offre.

Une performance favorisée par la législation

La loi Sapin II relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de l’économie, entrée en vigueur le 11 décembre 2016, impose l’obligation aux grands groupes (plus de 500 salariés et un chiffre d’affaires annuel supérieur à 100 millions d’euros) de mettre en œuvre des programmes de conformité. Cette loi impose aux entreprises de mettre en place des mesures et des procédures telles qu’un code de bonne conduite, un système interne d’alertes permettant aux employés de signaler toute violation de la loi et du code de bonne conduite, un processus de cartographie des risques et des programmes d’évaluation.

Le législateur français a également instauré, le 27 mars 2017, un devoir de vigilance vis-à-vis des sociétés mères et sous-traitantes sur l’activité des filiales et prestataires, notamment dans leur processus de fabrication et leur chaîne d’approvisionnement en France et à l’étranger. Ce projet de loi a été paraphé à la suite de l’effondrement tragique de l’immeuble Rana Plaza au Bangladesh en 2013 afin de prévenir de telles tragédies et d’assurer la conformité et l’assistance en cas de violation des droits de l’homme et de protection de l’environnement.

Les groupes français de plus de 5 000 salariés en France ou ayant plus de 10 000 travailleurs à l’étranger relèvent de ces obligations. Ces nouvelles réglementations sont symptomatiques d’une tendance générale à privilégier les problématiques liées à la conformité en France. Cela a un fort impact sur la pratique des fusions et acquisitions. Dans ce contexte, la conformité et la protection contre les risques liés à la conformité sont devenues de plus en plus importantes, non seulement lors de la phase de publication de l’offre publique d’achat, mais aussi lors de la négociation de la documentation relative aux transactions de fusion acquisition.

Un accroissement de l’intérêt des groupes étrangers pour les entreprises françaises

Les cibles européennes ont trouvé la faveur des investisseurs au premier semestre 2017 avec une hausse de 33% par rapport au niveau d’activité observé au premier semestre 2016, tandis que les fusions et acquisitions américaines ont chuté de 16% sur la même période.

Pour les six premiers mois de 2017, les acquisitions de sociétés françaises réalisées par des groupes étrangers ont doublé (pour atteindre 58,4 milliards d’euros) par rapport à la même période de 2016, bien que le nombre de transactions achevées ait diminué. Au cours du premier semestre 2017, les investisseurs américains ont été les plus gros acheteurs d’entreprises françaises, tant en termes de nombre de transactions que de valeur globale des transactions. Les deux autres plus grandes catégories d’acheteurs d’entreprises françaises étaient basés au Royaume-Uni et en Allemagne au cours de la même période.

La Chine continue d’être perçue comme un investisseur fréquent sur le marché français et des discussions sont en cours en France et au niveau de la Commission européenne pour réguler davantage les investissements étrangers, en particulier pour imposer la réciprocité à des pays comme la Chine, qui acquièrent agressivement à l’étranger tout en protégeant leur propre marché intérieur. En réalité, l’explosion des investissements des acheteurs chinois observée au cours des six premiers mois de 2016 a diminué au cours du second semestre 2016 et est restée stable au premier semestre 2017. Cette tendance peut s’expliquer par l’augmentation de la réglementation des investissements chinois à l’étranger.

Des perspectives heureuses

L’une des principales promesses électorales du Président Emmanuel Macron a été la réforme de la législation du travail visant à aider les entreprises françaises à répondre de manière plus flexible aux défis auxquels elles sont confrontées et à accroître leur compétitivité sur le marché mondial.

Par le biais d’ordonnances publiées en septembre 2017, le gouvernement français a introduit un certain nombre de mesures importantes modifiant la législation du travail, notamment le plafonnement des indemnités de licenciement, les mesures de simplification des licenciements collectifs et la consolidation des instances représentatives du personnel pour créer un organe unique (au lieu de trois chargés de représenter les salariés aujourd’hui).

Cette consolidation des instances représentatives du personnel devrait faciliter le processus de consultation des salariés dans le cadre des opérations de fusions-acquisitions.

On peut espérer que ces décrets d’application réduiront les délais maximaux de consultation de l’organe unique de représentation des salariés et accéléreront la mise en œuvre des opérations de fusions-acquisitions en France. D’une manière générale, les mesures annoncées par le gouvernement français devraient renforcer l’attractivité de la France et encourager les activités de fusions et acquisitions entrantes pour les années à venir.

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