Les auto-entrepreneurs critiquent le projet de loi Pacte

Loi Pacte

Les auto-entrepreneurs ne sont pas du tout tendres avec le Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises, baptisé loi Pacte. La Fédération des auto-entrepreneurs a émis des critiques acerbes envers ce projet porté par le gouvernement du premier ministre français, Edouard Philippe. Elle estime que cette loi nuit aux intérêts de ses adhérents.

Des réformes en cascade

Emmanuel Macron a décidé de réformer la France et il tient parole. La loi Pacte n’est pas la première reforme à laquelle les auto-entrepreneurs ont eu droit. Début 2018, ils ont vu un doublement du chiffre d’affaires plafond auquel ils pouvaient aspirer avant le basculement vers un autre régime d’imposition. Dans ce projet de loi, qui fera l’objet d’un examen à l’Assemblée Nationale à partir du 5 septembre, le gouvernement a décidé de pousser encore plus loin les changements.

La loi Pacte, si elle est adoptée, entraînera de nombreux changements dans le quotidien des auto-entrepreneurs. Elle supprimera notamment le stage préalable à toute installation pour les artisans. De même, les auto-entrepreneurs ayant un chiffre d’affaires de moins de 5000 € ne seront plus obligés d’avoir deux comptes bancaires comme c’est le cas actuellement. La loi consacrera également la simplification des procédures administratives relatives à la création et la cessation des activités des auto-entreprises. Les auto-entrepreneurs ne seront désormais plus radiés s’ils ne produisent pas de chiffre d’affaires durant une période de 2 ans.

Des mesures critiquées

Au vu de ce qui précède, on pourrait croire que les auto-entrepreneurs sauteraient de joie, mais il n’en est rien. Ils sont nombreux les auto-entrepreneurs qui fustigent les réformes introduites par cette loi. Interrogé par L’express, Grégoire Leclercq, président de la Fédération des auto-entrepreneurs (Fedae) n’a pas montré un grand enthousiasme.

Concernant la suppression du stage préalable à l’installation des artisans, il a dit que c’était une mesure extrême. Il a affirmé que les 30 heures de stage étaient certes excessives, mais que la suppression du stage en lui-même pourrait avoir un effet de retour de balancier. En effet, pouvoir bénéficier des conseils d’un professionnel déjà installé pourrait grandement aider les auto-entrepreneurs qui aspirent à s’installer à leur propre compte. Il estime que le gouvernement aurait dû simplement raccourcir la durée en la limitant, par exemple, à une journée.

Sa critique porte également sur la suppression de l’obligation d’avoir deux comptes bancaires. Selon lui, avoir deux comptes bancaires tient du bon sens, car cela permet à l’auto-entrepreneur d’avoir une gestion optimale de son activité.

Pour lui, le problème se trouve ailleurs. Les banques, en effet, exigent que le deuxième compte bancaire des auto-entrepreneurs soit un compte d’entreprise. Ce compte professionnel entraîne de nombreux frais qui nuisaient au portefeuille des auto-entrepreneurs. Selon Grégoire Leclercq, c’est l’obligation d’avoir un compte d’entreprise professionnel qu’il fallait supprimer et non l’obligation d’avoir deux comptes bancaires.

Il n’est pas totalement opposé à la création du guichet unique, mais il a émis des réserves. Pour lui, cela devrait conduire à une simplification des procédures.

Des griefs contestables

Si on ne peut dénier à la Fédération des auto-entrepreneurs son droit à formuler des critiques contre les propositions du gouvernement, il faut toutefois reconnaître que ces critiques sont loin d’être objectives.

En premier lieu il faut retenir que les mesures contenues dans la loi Pacte sont avant tout des mesures réclamées depuis belle lurette par les micro-entrepreneurs eux-mêmes. Nombreux sont ceux qui se plaignent de la bureaucratie en France. Jusqu’ici, créer une micro-entreprise relevait d’un véritable parcours du combattant. L’entrepreneur devait contacter une pléiade d’administrations avant de voir naître son entreprise. On ne peut donc pas comprendre que cette fédération puisse émettre des réserves concernant la création d’un guichet unique.

Plus incompréhensible encore, on a l’opposition contre la suppression de l’obligation d’avoir deux comptes bancaires. Contrairement à ce que laisse entendre Grégoire Leclercq, le gouvernement n’interdit pas aux entrepreneurs qui ont un chiffre d’affaires de moins de 5000 euros d’avoir deux comptes séparés. Il leur laisse le choix de la gestion de leur entreprise. Ceux qui le voudront peuvent toujours avoir un second compte.

La critique contre la suppression de l’obligation d’effectuer un stage est tout aussi insolite. Là encore, le choix est laissé au micro-entrepreneur. Tout entrepreneur conscient sait qu’il faut se former pour réussir son activité. Il n’a nullement besoin que le gouvernement fasse planer une épée de Damoclès sur sa tête pour le faire.

Le dilemme de la responsabilité sociale

En plus des réformes ci-dessus énumérées, la loi Pacte prévoit une modification de l’article 1833 du code civil. La réforme en question institue une responsabilité de l’entreprise vis-à-vis de la société. Certains auto-entrepreneurs sont vent débout contre ce changement, car ils estiment que les entreprises n’ont pas une vocation d’intérêt général.

Cependant, la question n’est pas si simple. Les entreprises savent également que leurs consommateurs risquent de les accuser de privilégier leurs intérêts financiers au détriment de la société.

De nombreux entrepreneurs soutiennent cette réforme pour un certain nombre de raisons. Ils savent par exemple, que certaines catégories de consommateurs se sentent concernés par toutes les actions qui visent la protection de l’environnement. Les millénials, également appelés génération Y, font partie de cette catégorie. Selon une étude, 73% de ces jeunes nés entre 1980 et 2000, sont prêts à payer un produit plus cher, si celui-ci respecte le commerce équitable et la préservation de la biodiversité, entre autres.

Loi Pacte : une batterie de mesures pour doper la croissance des PME

Comme le précise Bruno Lemaire, la loi Pacte est avant tout une loi pour les PME et l’emploi. Elle coûtera au contribuable 1,1 milliard d’euros en 2019 et 1,2 milliard l’année suivante. Les fonds proviendront dans leur intégralité des aides aux entreprises. Si on en croit Bercy, la mise en application de cette loi permettra le gain de 0,32 point de PIB en 2025 et les années au-delà de cette date.

Au nombre des mesures contenues dans cette loi, on compte la simplification de la création d’entreprise, la diminution des coûts pour les petites et moyennes entreprises, le raccourcissement de la liquidation judiciaires et la facilitation de la reprise des entreprises. Cette loi vise également à améliorer le financement des PME, par le biais de mesures comme l’élargissement des PEA PME aux titres émis lors des sessions de financement participatif (crowdfunding).

La loi veut aussi protéger certains secteurs dits stratégiques en y instituant une autorisation préalable d’investissement. Ainsi, les investisseurs étrangers devront être munis d’une autorisation administrative avant de pouvoir investir dans des secteurs comme les data centers, la robotique, la cybersécurité, l’intelligence artificielle, les drones et le spatial.

Loi Pacte : un mal nécessaire

La France souffre depuis très longtemps d’un manque de compétitivité dû à un certain nombre de problématique comme un système d’imposition inadapté, une législation en déphasage avec le temps et une administration omniprésente.

La loi Pacte souffre de nombreuses imperfections, mais elle a le mérite de lancer le débat sur une réforme du monde de l’entreprise. Les années fastes d’autrefois ont conduit à l’institution de lois et réformes qui avaient un sens à leur temps, mais les réalités sont devenues toutes autres.

Comment comprendre qu’on puisse interdire à des travailleurs qui tirent le diable par la queue de travailler le dimanche pour arrondir leurs fins du mois ? Comment comprendre cette rigidité sur la question des 35 heures de travail dans le contexte de crise économique que traverse le pays ?

Les auto-entrepreneurs ne sont qu’un exemple patent de cette opposition à tout changement dans un monde en plein bouleversement. Peut-on rester statique alors que tout change autour de nous ?

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